Forteresse de glace dominant la Haute Route de Chamonix-Zermatt, le Grand Combin brandit ses pointes imposantes d’un élan suprême pour mieux clamer au monde la beauté fugace de ses neiges éternelles. Portrait d’une montagne nourricière, le Grand Combin, géant des Alpes valaisannes.
Le Grand Combin : Géant de glace dans le Valais suisse
Aux confins du Val de Bagnes et du Val d’Entremont, les Alpes déploient leurs ailes de glace étincelantes. Le massif du Combin arbore ses crêtes comme les sept bastions d’une muraille infranchissable. Porté d’ouest en est par le Petit Combin, les Combin de Corbassière, de Boveire, de Meitin, du Valsorey et de la Tsessette, le Combin de Grafeneire ou Grand Combin s’élève à 4314 mètres d’altitude dans le canton du Valais. Escale céleste entre les sommets du mont Blanc et de la Dent Blanche, il compte parmi les plus hautes cimes de Suisse romande.
Les flancs sud du Combin offrent du mont Vélan un spectacle exceptionnel. Mais c’est sans nul doute du refuge de Panossière que la montagne est la plus belle. Au nord, le grand Combin exulte sous ses reflets de cristal. Ses crêtes colossales émergent du glacier de Corbassière, imperturbable et pourtant si fragile. Faisant écho à leur souverain, toutes les cimes du massif vibrent d’ailleurs à la cadence de la glace, de ses séracs et de ses failles. Et du glacier de Boveire à ceux du Grand Combin et de la Tsessette, la montagne rayonne. Himalaya de la Suisse comme un hymne à la beauté glaciaire que l’on rêve éternelle mais que l’on sait en péril.
Le Grand Combin : Montagne d’exception née d’une lutte millénaire
Mais par-delà la splendeur opaline du Grand Combin et de ses frères, sous l’écorce blanchie de la montagne, tendez bien l’oreille. Car tapis dans l’ombre, les rochers révèlent une épopée grandiose. L’histoire se déroule il y a près de 100 millions d’années sous les eaux qui séparent l’Afrique de l’Italie. Ardente et impulsive, la croûte océanique décide à l’aube du monde de conquérir l’Europe. La nappe du Tsaté, fille de Thétys arborant une armure de calcschiste ou schiste lustré, progresse alors vers le nord. Jusqu’à ce qu’elle rencontre une adversaire redoutable. La nappe du Mont Fort, elle aussi, veut défendre son empire. Coulée de gneiss et de schiste, elle défie sa rivale d’avoir raison d’elle. L’affrontement est inéluctable et de ce combat de titans jailliront les Alpes. Au corps à corps les nappes se livrent une bataille féroce. La croûte terrestre s’agite, les terres se chevauchent. La nappe du Tsaté surmonte celle du Mont Fort.
Elles se toisent, toutes deux superposées, quand un plissement terrible, lame de fond au cœur des Alpes naissantes, réinvente les lois d’une nature effervescente. Les nappes basculent, se replient sur elles-mêmes, offrant à la nappe du Mont Fort l’occasion de recouvrir cette fois celle du Tsaté. Incroyable volte-face qui met fin au combat. Sens dessus dessous, la terre décide de reprendre son souffle. Le Grand Combin devient ainsi le théâtre renversant d’un phénomène prodigieux où la nappe assaillante se retrouve pour l’éternité sous les terres conquises. Tandis que du barrage de Mauvoisin, la nappe du Mont Fort savoure sa victoire, la nappe du Tsaté se dévoile le long des faces sud et est de la montagne. Et si d’aventure la curiosité vous pousse à retrouver la trace du pli décisif qui a bouleversé l’histoire du Combin de Grafeneire, vous l’apercevrez sur la face sud du massif valaisan.
Le Grand Combin : Premières ascensions d’une montagne de légende
Souverain d’un royaume sublime où la sérénité s’unit à la lumière, le Grand Combin cède des millénaires de quiétude aux premiers pas de l’homme. Le 20 juillet 1857, Jouvence Bruchez, Benjamin Felley et Maurice Felley quittent le refuge de la Panossière pour rejoindre la montagne par le nord. Ils traversent le glacier de Corbassière et empruntent l’effroyable Corridor, ce passage sinistre surplombé de séracs qui coûtera la vie à nombre d’alpinistes.
Il leur faut alors faire preuve d’une vigilance extrême car au moindre faux pas, à la moindre erreur d’inattention, ils le savent, la montagne aura raison d’eux. Sans crier gare, la glace risque à chaque instant de s’abattre sur eux. Mais voyant qu’ils parviennent à surmonter l’épreuve pour rejoindre le Mur de la Côte, le Grand Combin décide de leur ouvrir les bras. À force de prudence, ils évitent les corniches et franchissent la glace pour atteindre enfin le sommet de l’Aiguille du Croissant, à 4259 mètres d’altitude. Ils inaugurent ainsi l’une des voies classiques menant à la cime du Grand Combin mais renoncent à gravir les derniers mètres qui les séparent du Combin de Grafeneire.
Il faut attendre le 30 juillet 1859 pour qu’une cordée réalise la première ascension du Grand Combin par le col des Maisons Blanches et finisse par fouler son point le plus haut. L’équipée se compose de Charles Sainte-Claire Deville, Daniel, Emmanuel et Gaspard Balleys et Basile Dorsaz. En 1907 enfin, c’est au tour de Marcel Kurz de réussir l’exploit, effectuant la première ascension du Grand Combin à skis.
Le Grand Combin : Expéditions inoubliables à plus de 4000 mètres d’altitude
Depuis ce temps, le Grand Combin accueille sur ses pentes les skieurs les plus audacieux. Du refuge de la Panossière, ils empruntent la voie normale hivernale vers le sommet par le couloir du Gardien. Puis, ils s’ils le veulent traversent à la descente le Corridor tant redouté.
Mais le versant nord du Grand Combin n’est pas le seul à jouir d’une renommée brillante. Les vaillants randonneurs qui sillonnent la Haute Route Chamonix-Zermatt approchent ainsi de son sommet par ses flancs sud. De la cabane de Valsorey, ils traversent le plateau du Couloir sous le regard bienveillant du Combin du Valsorey. Puis, ils orientent leurs pas vers le col du Sonadon. Au-dessus d’eux, le Combin de Grafeneire salue alors leur avancée, dominant l’horizon de son immensité.
À la belle saison, les randonneurs sont également nombreux à vouloir gravir le Grand Combin par sa voie normale, qui chemine alors sur sa face sud. Quittant le refuge de Valsorey, ils atteignent le col de Meitin avant de rejoindre l’arête ouest du Combin de Grafeneire par le Combin du Valsorey. Les plus courageux poursuivent leur expédition jusqu’au Combin de la Tsessette, accomplissant ainsi la prouesse de parcourir les crêtes des trois plus hauts Combin, à plus de 4000 mètres d’altitude.
Alternative vagabonde, la voie Isler-Gillioz par le plateau du Couloir dessine, quant à elle, une course mixte entre neige et roche sur la face sud du Combin du Valsorey. Exposé au soleil, ce versant ne peut être parcouru qu’à l’aube. Car lorsque la montagne cède à la chaleur, sa roche friable menace de se détacher.
Ultime chemin sur les splendeurs du Grand Combin, la voie qui traverse son arête sud-est s’envole enfin du glacier du Mont Durand pour nous offrir une vue imprenable sur le glacier Otemma et les plus belles montagnes des Alpes valaisannes.
Le Grand Combin, roi d’un massif aux pics flamboyants, repousse les limites des forces millénaires comme il nous exhorte à préserver les Alpes. Car son éclat naît de la glace, incomparable piédestal qui le hisse au rang tant convoité des chefs-d’œuvre les plus absolus.