Le ski de randonnée fascine les alpinistes autant qu’il les transporte dans l’univers de la haute montagne. Cette pratique, symbole de liberté, offre aux skieurs l’accès à des espaces vierges, où chaque descente dans les neiges profondes laisse une trace sur cet or blanc. Je vous raconte l’histoire du ski de randonnée en vous dévoilant une sélection des plus beaux itinéraires des Alpes suisses.
Le ski de randonnée | Héritage d’une pratique ancienne
L’histoire commence à l’époque des Cro-Magnon, au temps où les hommes du passé dansent au rythme ancestral de la nature. Et au cœur de la région de l’Oural, l’ancêtre du ski voit le jour. Il ne s’agit encore que de simples planches de bois pourtant bien essentielles pour se déplacer sur les terres enneigées de cette ère lointaine.
Les années passent et ces lattes de bois traversent les époques. Certains pays, comme la Scandinavie, en font le berceau de leur culture.
Durant les conflits, le ski se transforme en une arme puissante, et sa maîtrise devient parfois le souffle de la victoire. Des batailles napoléoniennes à la Première Guerre mondiale, et, par-dessus tout, la guerre d’hiver opposant la Finlande à la Russie à partir du 30 novembre 1939. Les skieurs finlandais, agiles et rusés, triomphent des soldats soviétiques au moyen de leur tactique du “ tirer et disparaître “. Avec son arme redoutable, le cocktail Molotov, et sa mobilité accrue grâce à l’usage des skis, l’État scandinave signe la victoire. Des milliers de chars ennemis se transforment en brasier. Il s’agit d’un désastre pour la Russie, qui investira peu de temps après dans le matériel de glisse.
Mais qu’en est-il des peaux de phoque ? Quelle est l’origine de cet artefact ancestral ? Replongeons dans le passé des civilisations autochtones nordiques, chez les Inuits et les Lapons. Ces peuples, habiles pour affronter les hivers rudes, découvrent que les poils de phoque, tous orientés dans la même direction, permettent une glisse unilatérale sur la neige. Les peaux évitent ainsi toute régression en remontant une pente. Au fil des siècles, la technologie évolue, troquant la chair animale par des substituts synthétiques tels que le mohair ou le nylon.
C’est ainsi que le ski de randonnée est né. La peau de phoque et le ski, dans une alliance inaltérable, deviennent les compagnons indissociables pour s’élancer à travers des vastes étendues enneigées. D’un simple moyen de déplacement à un outil de guerre, le ski incarne aujourd’hui la passion, l’aventure. Un levier à la contemplation de la beauté infinie des sommets.
Le ski de randonnée | Quand l’effort physique se marie à la contemplation de la montagne
À travers les décennies, la pratique du ski de randonnée se métamorphose. Initialement réservé à un cercle restreint de passionnés, ce loisir connaît aujourd’hui un engouement fulgurant. Les années 70 voient les prémices de cette activité. Les progrès techniques favorisent la démocratisation de cette discipline, offrant des skis plus légers et performants, tout en conciliant portance et maniabilité.
Janvier 2020. La pandémie de COVID-19 éclate en Europe et les domaines skiables ferment leurs portes. La randonnée devient alors un refuge face aux tourments de la crise sanitaire. Elle représente un moyen de s’évader, de contempler la majesté des sommets. La montagne reprend sa place. Et les âmes en quête de ce désert blanc redécouvrent l’essence même de la nature. Cette période, aussi particulière soit-elle, a permis de reconnecter l’homme à ces géants de glace et de roche. Avec, comme moyen d’accès, le ski de randonnée, qui invite le montagnard à sortir des sentiers battus.
Aujourd’hui, ce sport s’est pleinement établi. Quelle est la raison de cet engouement pour le ski de randonnée ? Il représente un élément de liaison entre l’homme et la nature. Cette activité transcende les limites de l’accessibilité de la montagne, rendant possibles l’ascension de certains sommets et la découverte de panoramas exceptionnels. La communion avec la montagne est intime, chaque virage en descente devient une danse sur la neige immaculée. La montée, souvent exigeante, forge le corps et l’esprit, offrant une récompense inestimable à chaque sommet atteint. Le ski de randonnée dépasse alors le cadre d’un simple sport. Il incarne une ode à la liberté et à l’exploration des massifs.
Itinéraires balisés en ski de randonnée | Verbier, la porte d’entrée vers les cimes
Les itinéraires balisés se multiplient au sein des domaines skiables. Ces tracés, véritables portes d’entrée vers l’alpinisme, offrent une découverte sécurisée de cet univers majestueux. En ces lieux, le guide de haute montagne, gardien inébranlable des sommets, voit son rôle s’effacer. Le skieur peut s’initier à sa guise, ou en présence d’un moniteur.
Verbier. Joyau alpin niché au cœur des montagnes du Valais. Ces dernières années, la station a ouvert sept chemins balisés dédiés à la pratique du ski de randonnée. Ces tracés nécessitent entre 1 h 00 et 3 h 30 d’effort, sillonnant à travers les panoramas les plus somptueux du canton. De la forêt de Bruson, jusqu’aux mayens de Sarreyer, en passant par le col de la Croix de Cœur… Ces parcours offrent un cadre idéal pour découvrir en sécurité quelques merveilles des Alpes. Parmi les itinéraires, celui des Ruinettes menant à la cabane du Mont-Fort. Une montée de quatre kilomètres au sein même du domaine skiable. De là-haut, le massif des Combins se déploie dans toute sa majesté. Et le skieur, cheminant sur l’itinéraire, porte ses yeux vers la grandeur des cimes environnantes.
Ces tracés balisés sont l’occasion d’affiner sa technique. Mais l’essence même de cette pratique ne réside pas dans ces espaces aménagés. Elle se trouve dans les secteurs plus isolés, où le murmure du vent efface toute trace humaine. Loin des regards, dans ces étendues vierges et immaculées, l’alpiniste compose sa propre poésie à la splendeur des montagnes.
Itinéraire sauvage en ski de randonnée | Le Mont Fourchon par le col du Grand-Saint-Bernard
Les itinéraires en ski de randonnée se déclinent par dizaines de milliers. Qu’ils s’étendent sur une journée, plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Parmi ceux offrant une vue somptueuse sur les Alpes se distingue le Mont Fourchon par le col du Grand-Saint-Bernard. Pour cette course, la présence d’un guide de haute montagne est vivement conseillée. En tant que premier de cordée, il sécurise l’alpiniste et l’accompagne hors des sentiers balisés.
Cette sortie d’alpinisme de 13 kilomètres se classe parmi les courses peu difficiles, avec un dénivelé positif de 1250 mètres. Si la randonnée semble trop éprouvante, il est possible de séjourner une nuit à l’hospice du col du Grand-Saint-Bernard.
L’épopée commence au Bourg Saint-Bernard. Les peaux de phoques fixées sur la semelle des skis, il est temps de gravir la Combe des Morts pour une ascension de 550 mètres jusqu’au col. De là se dresse l’hospice. Témoin des siècles passés, il semble défier le temps. Érigé vers l’an 1050, le refuge se présente comme un phare d’accueil et de secours dans les Alpes. Sur ce col isolé, on aperçoit un élevage de chiens : celui des Saint-Bernard. Jadis impliqués dans les missions de sauvetage pour retrouver les voyageurs égarés sous la neige, ces animaux font aujourd’hui la fierté de ce lieu.
Il est temps d’ôter les peaux de phoque pour débuter la première descente. Direction la Montagna Baou, à 2356 mètres, située sur le versant italien. Puis, un dernier effort est requis avec la montée par la combe séparant la Tour des Fous et un rocher dominant l’alpage. Le sommet est enfin atteint. Là-haut, le mont Blanc, souverain incontesté des Alpes françaises, se dresse majestueusement face à nous.
Itinéraire sauvage en ski de randonnée | L’historique Haute Route Chamonix-Zermatt
Au beau milieu des Alpes, là où les sommets atteignent des hauteurs vertigineuses, se dessine une course légendaire : la Haute Route Chamonix-Zermatt. Chamonix, gardien du mont Blanc, le plus haut sommet d’Europe. Zermatt, symbole du Cervin, le monarque absolu des Alpes suisses.
Cet itinéraire entre le mont Blanc et le Cervin s’étire sur 104 kilomètres, requérant souvent une semaine d’engagement. Il est un défi de taille pour tout skieur désireux de conquérir les plus de 6000 mètres de dénivelé positif. Sur cette voie colossale, les alpinistes marquent la seule trace du passage de l’homme.
L’ouverture de cette course d’alpinisme remonte au 16 janvier 1903. Le docteur Michel Payot, accompagné d’Alfred Simond, Joseph Couttet et Joseph Ravanel réalisent la toute première trace, munis des simples équipements peu techniques de l’époque. Les paysages défilent. Col du Chardonnet, glacier d’Orny, Orcières, Chanrion, Evolène. Pour finalement atteindre le célèbre village de Zermatt le 22 janvier. Les alpinistes ont ainsi donné naissance à l’une des routes de ski-alpinisme les plus renommées au monde.
Dès lors, la Haute Route s’inscrit comme un symbole de la pratique de la montagne. De nombreuses variantes voient le jour, dont celle inaugurée par Marcel Kurz en janvier 1919, au départ de Verbier. Entre cols, glaciers envoûtants et sommets vertigineux, la vue est imprenable sur les cimes les plus réputées au monde : mont Blanc, Matterhorn, Grand Combin, mont Rose… Et au cœur de cet itinéraire hors du commun, le silence est roi. Seule la roche qui s’effrite résonne au fond des vallons.
C’est là que la puissance des cimes se révèle. Lorsqu’on se confronte à la montagne indomptée. Lorsqu’on goûte à la pureté et à la liberté. Le ski de randonnée : un véritable moyen de connexion avec l’âme des sommets.