Il est des lieux qui nous fascinent plus que d’autres. Des lieux qui éveillent en nous le vent de l’aventure et la mélodie des rêves. Zinal en fait partie. Ce village emblématique du val d’Anniviers est né du souffle des alpages. Et sous la tutelle bienveillante des montagnes de la Couronne impériale, il s’est peu à peu mué en station incontournable des Alpes valaisannes. Comme un simple caillou devient un jour diamant, comme un bourgeon feutré devient un edelweiss. Je vous raconte l’histoire de Zinal, village de montagne à la destinée céleste.
Zinal | Village mythique au pied des montagnes de la Couronne impériale
Au cœur des Alpes suisses se trouve un village mythique. Zinal, point de départ vers les plus beaux sommets du Valais, voit le jour à 1674 mètres d’altitude au fond du val d’Anniviers. Traversé par la Navizence, alimentée par les eaux fécondes du glacier de Zinal, il se développe à l’abri des hommes et sous l’égide des montagnes. À l’est, le Roc de la Vache, les Diablons et le Besso veillent sur lui, tandis qu’il est dominé à l’ouest par la Corne de Sorebois et la Garde de Bordon.
Mais la légende de Zinal prend vie plus haut dans la vallée. Au-delà des Plats de la Lée, à la croisée des glaciers de Zinal, de Moming et du Weisshorn, les Alpes recèlent leur plus précieux trésor. À plus de 4000 mètres d’altitude, les montagnes gigantesques se succèdent. Vêtues de leur manteau de neige, elles pointent vers le ciel, majestueuses et flamboyantes. Unissant leurs forces et leur éclat pour former la légendaire Couronne impériale de Zinal. Chef-d’œuvre immuable d’une nature prodigieuse auquel Zinal doit son destin exceptionnel. Bishorn, Weisshorn, Zinalrothorn, Obergabelhorn et Dent Blanche, autant de cimes colossales qui font la renommée de ce petit village de montagne.
Zinal | D’un village-mayen à la station estivale des plus célèbres alpinistes
Logé au cœur d’un val qui se fait plus étroit à mesure qu’il approche des géants de Zermatt, Zinal doit son nom au terme patois « tsina », signifiant « chenal » en français moderne. Point d’ancrage de l’homme au carrefour des hauts sommets, le long d’un couloir reliant les terres verdoyantes aux pics acérés.
À l’origine, Zinal était un village de mayens, ces petites habitations typiques des alpages valaisans qui n’étaient occupées que quelques semaines par an durant l’estivage du bétail. Fondées sur une maçonnerie grossière à demi enterrée, elles étaient bâties en bois de mélèze ou en pierre et couvertes de tôles ondulées ou de tavillons de bois. Les Anniviards y faisaient une halte au printemps, lorsqu’ils menaient leurs troupeaux aux alpages voisins. Ils y dormaient de nouveau à l’automne quand venait l’heure de faire redescendre les bêtes à la ferme. De tout temps, les hommes ont traversé ce fond de vallée sans toujours laisser de trace. Les maisons les plus anciennes que l’on connaisse du village ne remontent ainsi qu’à la fin du 18e siècle.
À partir de 1860, ce lieu de transhumance devient station estivale. Attirés par la notoriété des sommets qui l’entourent, les alpinistes anglais prennent leurs quartiers à Zinal pour l’été. Inaugurant l’âge d’or de l’alpinisme, les clubs alpins se multiplient en Europe et Zinal voit son image rayonner bien au-delà des frontières de la Suisse. Le village de montagne doit alors s’adapter à ses nouveaux visiteurs. Les bâtisses existantes s’agrandissent pour accueillir les touristes et plusieurs hôtels voient le jour. La première auberge de Zinal ouvre en 1859 et de célèbres alpinistes y séjournent. Parmi eux, le grand Edward Whymper, premier conquérant du Cervin, y fait étape en 1859 avant de traverser le col de Moming. L’auberge reçoit également Leslie Stephen qui s’apprête à réaliser la première ascension du Zinalrothorn en 1864. Quant à Francis Douglas, tristement connu pour avoir péri en 1865 lors de l’expédition menée par Edward Whymper au sommet du Cervin, il rejoint l’auberge pour atteindre l’Obergabelhorn quelques semaines seulement avant sa disparition tragique.
Pour répondre à la demande croissante, six autres établissements sont édifiés. Les hôtels des Diablons, du Besso, de la Poste, du Trift, du National et de la Pointe de Zinal reçoivent un franc succès. Une nouvelle chapelle est également construite dans un style néogothique anglais, comme un hommage aux visiteurs d’outre-Manche qui ont offert au village l’occasion de se développer. Dédiée au saint patron de Zinal, Saint-Barthélemy, qui préserve les hommes des incendies et des catastrophes naturelles, ses vitraux sont nés de la main de Roger Theytaz. Ils mettent à l’honneur les saints patrons d’Ayer, de Grimentz, de Saint-Jean et de Vissoie, qui protègent la vallée comme les hommes qui s’y trouvent. Point d’orgue de son ornement, Alfredo Cini y peint le Jugement dernier en 1948.
Zinal en lumière | De la course de Sierre-Zinal à la vitalité du domaine skiable de Grimentz-Zinal
Zinal vit en été ses premières heures de gloire, porté par la splendeur de ses paysages et la grandeur des montagnes alentour. Mais comment alors imaginer que le village reste à ce point isolé du reste du monde ? Le projet évoqué en 1906 d’un chemin de fer électrique reliant Sierre à Zermatt est abandonné à l’orée de la Première Guerre mondiale. Les voyageurs n’ont d’autre moyen d’atteindre Zinal qu’à dos de mulet, le chemin reliant la station à Ayer n’étant pas carrossable. Le problème est épineux et les travaux colossaux, mais les autorités sont mises au pied du mur. Il est temps désormais de construire une route pour désenclaver le village et répondre à l’afflux touristique. En 1957, cette voie est ouverte et fait entrer Zinal dans une ère nouvelle.
Alors que le tourisme hivernal déferle sur les Alpes suisses, Zinal peut désormais suivre le mouvement. Elle devient station de sports d’hiver en 1961 grâce à la mise en place du téléski du Défichiaz. En 1966, l’aménagement du domaine skiable de Sorebois entraîne la construction du téléphérique Zinal-Sorebois et l’installation de nouvelles remontées mécaniques. Le village vit en pleine effervescence et bouillonne d’enthousiasme. Des senteurs estivales aux frissons de l’hiver, son cœur bat dorénavant tout au long de l’année. Et de six Zinalois en 1961, le village compte 110 habitants en 1970.
De village-mayen, Zinal s’est métamorphosé en quelques décennies en village-station réputé dans le monde entier pour la beauté de ses reliefs et ses richesses attrayantes. Les amoureux des Alpes y admirent des montagnes fabuleuses, au fil de plus de 300 km de sentiers de randonnée. Ils rejoignent le barrage de Moiry ou le glacier de Zinal, quand les alpinistes s’aventurent à la cime des plus hauts sommets de la Couronne impériale. Quant aux touristes férus d’histoire, ils prennent le chemin des mines de cuivre de la Lée ou remontent le temps au fil des monuments anciens du val d’Anniviers.
Au mois d’août, les passionnés de sport assistent dans le village à l’arrivée de la célèbre course de montagne Sierre-Zinal, créée en 1974 par Jean-Claude Pont. Coureurs amateurs et professionnels s’y retrouvent chaque année pour affronter des dénivelés impressionnants à travers des paysages grandioses. Mais, le village doit surtout sa popularité au domaine skiable de Grimentz-Zinal. Paradis des skieurs, il possède également un immense domaine freeride dédié aux skieurs de pente raide et snowboardeurs expérimentés.
Quelle destinée incroyable pour ce hameau de montagne, refuge estival de paysans anniviards ! De l’ombre, Zinal est entré dans la lumière en seulement quelques décennies. Porté par la fougue des premiers alpinistes et la ferveur de touristes chaque année plus nombreux. Mais, pour moi, photographe de montagne, Zinal reste à jamais le symbole des hauteurs. De la magnificence de sa Couronne impériale comme de l’opulence de ses alpages. Zinal demeure le témoin de mes plus belles œuvres et la source intarissable de mon inspiration.