Cette magnifique photographie en noir et blanc célèbre le Breithorn, montagne mythique des Alpes suisses, et la fabuleuse traversée de ses 5 sommets. Face à nous, le Breithorn occidental, le plus facile d’accès depuis le Petit Cervin. Il s’agit du premier sommet de plus de 4000 mètres d’altitude dont j’ai réalisé l’ascension. Le contempler me rappelle bien des souvenirs. Au second plan, se dressent deux géants de la vallée de Zermatt : le Pollux, qui apparaît enneigé au centre de l’image, et son grand frère le Castor, qui domine sur la droite. Sa face nord plongée dans l’ombre, il semble gigantesque et inaccessible.

J’ai réalisé ce portrait du Breithorn alors que la montagne venait d’affronter une tempête estivale. Phénomène rare qui nous laisse voir les sommets sous un autre jour. Les éléments ont fusionné pour rendre ce moment unique. Les nuages filtrent le soleil, dotant le tableau de teintes argentées et profondes. Seule la crête occidentale du Breithorn est illuminée, mettant en valeur son manteau immaculé. Encore balayé par les vents, il est coiffé d’un discret chapeau de brume qui donne vie à l’œuvre. Voilà la quête que je poursuis. Me trouver face aux montagnes après la tempête, quand le rideau de nuages se lève pour laisser place à un autre paysage. Redessiné par la nature, je le photographie pour la postérité. Pour que jamais l’on n’oublie la beauté des plus hauts sommets des Alpes.

J’ai toujours cru ce royaume immuable, immortel, avec ses neiges éternelles et ses imposants glaciers. Mais, je sais maintenant qu’il n’en est rien et j’en suis très attristé. Quand j’ai pris cette photographie, en 2020, je n’imaginais pas que c’était peut-être la dernière fois que j’admirais le glacier suspendu au sommet du Breithorn. Et pourtant. En 2023, au jour où j’écris ces lignes, il n’est plus celui qu’il était. La ligne pure qui attire ici notre regard est désormais défigurée par deux énormes crevasses. Comment aurais-je pu supposer alors la présence de telles balafres sous ce dôme de neige bienveillant ? La montagne se métamorphose inéluctablement. Et je suis d’autant plus heureux d’avoir pu réaliser cette œuvre alors qu’il était encore temps. Comme un dernier voyage au cœur de cet univers céleste si merveilleux et si fragile.