Voici l’une de mes œuvres préférées. Une photographie panoramique en noir et blanc des trois montagnes les plus célèbres des Alpes bernoises : le Mönch, l’Eiger et la Jungfrau. Cette dernière, la plus haute, s’élève à 4158 mètres d’altitude au-dessus de la région de Grindelwald, en Suisse. Face à nous, la fameuse arête de Mittellegi se détache entre ombre et lumière. Menant au sommet de l’Eiger, elle est l’une des plus belles voies à emprunter pour gravir les hauteurs alpines.

Nous sommes en hiver, au lever du soleil. Sous les assauts du vent, les sommets se réveillent, fraîchement recouverts de neige. La montagne fume, laissant peu à peu s’échapper les dernières traces de condensation encore accrochées aux sommets.

J’ai réalisé cette œuvre spectaculaire par hélicoptère car aucun endroit sur terre n’offrait ce point de vue. J’ai longuement étudié les spécificités des Alpes bernoises sur le terrain, sur les cartes et sur les logiciels 3D. Jusqu’au moment où j’ai enfin repéré l’endroit précis qui me permettrait de transmettre l’image la plus grandiose possible de ces sommets d’exception. Voilà l’un des privilèges de l’artiste moderne : pouvoir se servir de la technologie pour préparer au mieux l’éclosion de ses œuvres. Mais la plus grande difficulté à laquelle je suis confronté reste le caractère imprévisible de la météo. Le défi était donc de voler au cœur de la tempête pour parvenir à se positionner au bon endroit au moment où la magie opérerait.

Dans ce tableau presque irréel, la brume dévoile la splendeur de l’Eiger, du Mönch et de la Jungfrau de façon mystique et envoûtante. J’ai recherché l’équilibre des forces et des formes. Entre les sommets enneigés qui captent la lumière et les parois blotties dans l’ombre. Cet équilibre me subjugue et me bouleverse. La beauté de ces hauts sommets des Alpes est également sublimée par le graphisme de la composition, donnant à l’œuvre une portée universelle. Admire-t-on le royaume de la haute montagne ou vogue-t-on sur les flots d’une mer déchaînée ponctuée de rochers abrupts ? Dans ce portrait, c’est toute la pureté et la grandeur de la nature qui jaillit sous nos yeux.

Enfin, ce magnifique panorama puise sa force dans la douceur de ses contrastes. Au fil des années, j’ai fait évoluer mon art et la manière dont je souhaitais transmettre la puissance de la haute montagne dans mes photographies. Il est assez facile de donner une dimension impressionnante aux sommets en forçant sur les contrastes. En revanche, retranscrire la puissance de la montagne à travers la douceur de tonalités monochromes est un art bien plus complexe. J’ai mis une dizaine d’années avant de réussir à immortaliser avec cette sensibilité les géants de l’Oberland bernois.