Cette photographie en couleur dévoile le Lyskamm dans sa fureur hivernale la plus brute. Géant de 4532 mètres dressé entre Suisse et Italie, il mérite pleinement son surnom sinistre de "mangeur d'homme". Ses arêtes acérées, théâtre de drames nombreux, ne font pas de prisonniers.

La tempête assaille le sommet avec une violence primitive. Les nuages déchirés par le vent dévoilent puis masquent les flancs du colosse dans une danse macabre. Quand la lumière hivernale perce brièvement, elle révèle les glaciers suspendus comme des crocs menaçants prêts à broyer les téméraires. Puis l'ombre engloutit à nouveau la montagne, la transformant en spectre menaçant tapi dans la brume. Les vents furieux sculptent la neige fraîche en formes fantastiques. Vagues figées, crêtes tranchantes, corniches en surplomb - le Lyskamm devient une mer déchaînée solidifiée dans l'instant. Cette abstraction blanche et tourmentée raconte la violence des éléments mieux que ne le feraient mille mots.

J'ai traqué depuis Zermatt cet instant où le Lyskamm révèle sa véritable nature : beauté mortelle, splendeur intouchable. Dans cette œuvre, la montagne n'est plus simple décor mais créature vivante, rugissante sous l'assaut des éléments. Elle incarne la puissance primordiale des Alpes, leur grandeur sauvage et leur indifférence absolue face à notre existence éphémère. Face à ce titan glacé, l'homme comprend sa place dans l'ordre du monde - minuscule et transitoire. Le Lyskamm continue sa lente danse cosmique, indifférent aux drames qui se jouent sur ses flancs, éternel dans sa splendeur terrible.