La plus belle lumière surgit parfois du crépuscule. Voici le portrait d’un sommet de légende, le Cervin scintillant au-delà du monde. En cette fin d’hiver, je rejoins Zermatt sous les vents furieux. L’espoir d’un miracle chevillé au corps, mais le cœur tremblant d’une crainte insidieuse. La neige aura-t-elle suffisamment blanchi les Alpes valaisannes ? Malgré les doutes, je dois saisir ma chance. Gravir les montagnes et contempler le ciel. Dans l’obscurité des cimes, je retiens mon souffle, quand tout à coup je le vois émerger devant moi. Comme un titan de glace qui brise le chaos à l’aube des temps.

Encore imperceptibles, les premières lueurs dessinent dans le ciel ses fabuleux contours. Et je me sens porté par l’éclat de la scène. À travers les arêtes du Hörnli, de Zmutt et de Furgen, mon regard touche à la sérénité. Mais, il me faut agir. Photographier l’instant que m’offre la nature. Alors que les Alpes sont toujours plongées dans la pénombre, les reflets du jour caressent déjà les parois est et nord du mont Cervin. Entre ciel et terre, je ne fais plus qu’un avec la montagne. J’immortalise alors la fugacité, heureux que mon appareil photographique parvienne à capter cette évanescence.

J’aime la clarté de ces ondes diaphanes qui parent la montagne d’une toge argentée. J’aime la prestance du seigneur de Zermatt que l’on ne peut ensuite jamais oublier. L’image d’un roi gravée dans nos mémoires. Comment savoir pourtant ce qu’il adviendra lorsqu’il fera face à son destin ? Quand le glacier qui orne le pied de sa face nord aura disparu, défiera-t-il le ciel avec panache pour ne jamais céder à la fatalité ? À travers cette œuvre, sa beauté demeure. Le portrait fait honneur au Cervin et nous guide au cœur d’un royaume céleste où la grâce s’unit à l’éternité.