Des confins des Alpes valaisannes, deux colosses m’invitent au plus beau des voyages. Cette traversée céleste périlleuse et sublime qui, de la Terre au ciel, nous transforme à jamais. L’Obergabelhorn, comme un diamant brut, et le mont Cervin, souverain de Zermatt. Cette photographie exceptionnelle, je vous l’offre aujourd’hui comme le portrait de montagnes majestueuses et éternelles.

Pourtant, à chaque saison, elles se métamorphosent. J’ai réalisé cette œuvre au début de l’automne. Éprouvées par un été caniculaire, les montagnes attendaient impatiemment l’hiver. Leur roche brûlante et leurs glaciers assoiffés espéraient l’arrivée des premières neiges. Quand au mois de septembre, les vents froids ont exaucé leur vœu. Alors, je me suis envolé à leur rencontre. Face à l’Obergabelhorn et au Cervin tout juste enneigés, j’ai senti mon cœur battre plus que de raison. Les hauts sommets avaient enfin retrouvé leur infinie prestance. Le spectacle qui se jouait à la cime du Valais était féérique.

En cette fin d’été 2023, la face nord de l’Obergabelhorn profite de ses dernières heures au soleil avant d’être plongée dans l’ombre pendant plusieurs mois. Gigantesque à ses pieds, son glacier nous dévoile la richesse de son histoire millénaire. Mis à nu, il se découvre, plus tourmenté que jamais. Je me souviens encore du premier regard que j’ai posé sur lui. C’était en 2013 et sa blancheur était telle qu’il illuminait le ciel. Captivé par tant de beauté, je l’ai photographié et ce portrait de l’Obergabelhorn figure désormais sur la couverture de mon livre Above. Mais, aujourd’hui, la montagne est tout autre. Son glacier affaibli est désormais fracturé par une entaille profonde et infranchissable. Ses séracs fraîchement effondrés, ses crevasses ouvertes. Et la glace apparaît en filigrane sur sa face nord auparavant toujours recouverte de neige.

La nature change, le paysage alpin se réinvente. Et malgré la douleur, la haute montagne déploie ses trésors. J’aime les contrastes de cette œuvre saisissante. L’Obergabelhorn et le Cervin qui, de l’ombre à la lumière, renaissent puissants et sereins. Les sommets semblent se répondre. L’équilibre de leurs formes, l’envolée de leurs lignes. L’écho de leur voix résonne dans les Alpes et nous élève au-delà de nous-même. Vers ce que le monde contient de plus grandiose. Vers un royaume aux mille merveilles.