Monuments célestes si chers à mon cœur, l’Obergabelhorn et le Cervin s’élèvent au-dessus de Zermatt. Trésors de la Couronne impériale de Zinal et emblèmes des Alpes valaisannes, les montagnes sereines imposent leur grandeur.

Depuis 10 ans déjà, je guette cet instant. À l’affût des vents enneigés dès que le printemps voit le jour. Je patiente sans relâche et j’observe le moindre signe. Un murmure porteur d’espoir, comme l’écho lointain de splendeurs à venir. Mais ce jour, je le sens, n’aura pas son pareil. Au sommet des Alpes, l’aube pointe et le ciel se dévoile. Une mer de brume s’empare des vallées, attirant notre regard vers l’infini. L’Obergabelhorn et le Cervin surgissent seuls des nuages, brisant l’offensive des vents impétueux. Les montagnes se révèlent enfin, étincelantes et invincibles. Vient alors l’heure d’immortaliser cette scène unique et magistrale. Chef-d’œuvre des Alpes, photographie exceptionnelle.

Au sortir de l’hiver, l’Obergabelhorn apparaît comme un joyau fragile. Sa face nord ne revêt qu’un fin manteau de neige, à travers lequel pointent les contours de sa roche glacée. Son glacier s’ouvre chaque année davantage, éloignant bientôt toute possibilité de gravir la montagne par sa face nord. Les détails somptueux de ses crevasses profondes et de ses failles irréductibles sont autant de témoignages de sa déliquescence.

Et malgré le drame qui se joue ici, l’œuvre est sublime et l’image saisissante. De l’ombre à la lumière, l’Obergabelhorn et le Cervin se mêlent. Ils se répondent, rayonnants et complices. Tous deux vainqueurs d’un combat contre les vents, ils incarnent dans un même élan la puissance des Alpes comme nos espérances. Et par un jeu de perspectives, la photographie s’envole à la gloire de l’Obergabelhorn, qui paraît ici égaler le Cervin. Eux que 7 km et 415 m de dénivelé séparent pourtant. Car tout n’est en ce monde si beau et si précieux qu’intime conviction et volonté farouche.